Un an de MCP : ce qu'il faut savoir sur le protocole qui connecte les IA.
David, ingénieur chez Anthropic, passait son temps à copier-coller entre Claude et son éditeur de code. Un geste répétitif, agaçant, le genre de friction qui pollue le quotidien d'un dev. En septembre dernier, il a décidé d'y remédier. Ce qu'il a codé pour se simplifier la vie est devenu MCP.
L'histoire aurait pu s'arrêter là, un outil interne de plus. Sauf qu'Anthropic a organisé un hackathon quelques semaines plus tard. Sans consigne particulière, tout le monde a construit des serveurs MCP. Imprimantes 3D, synthétiseurs, intégrations Slack... Le protocole a pris naturellement.
Connecter une IA à un outil, c'est systématiquement repartir de zéro. Si vous voulez que Claude accède à Google Drive, il faut développer une intégration spécifique. ChatGPT ? Même chose. Gemini ? Pareil. Multipliez ça par les centaines de services que les gens utilisent au quotidien, et vous comprenez pourquoi personne ne construit rien, ou alors tout le monde refait la même chose cinquante fois.
MCP propose un standard. Une sorte de prise USB pour les IA : même interface, compatibilité garantie. Le protocole standardise trois éléments. D'abord les outils, c'est-à-dire les actions que l'IA peut déclencher (créer un ticket Jira, envoyer un email). Ensuite les ressources, soit le contexte brut qu'on lui fournit (fichiers, bases de données). Enfin les prompts, des templates préformatés que l'utilisateur peut invoquer via des commandes slash.
L'histoire des containers maritimes reste parlante. Avant 1956, chaque port avait ses propres standards de chargement. Une semaine de travail manuel pour remplir un bateau, des formats incompatibles, une logistique cauchemardesque. Malcolm McLean standardise le container de 20 pieds. Le temps de chargement s'effondre, les coûts suivent, le commerce international décolle.
MCP suit la même logique. Un développeur construit un serveur MCP pour Google Drive. Toutes les IA compatibles peuvent l'utiliser instantanément, sans développement supplémentaire.
Un an après le lancement, les chiffres montrent une traction inhabituelle. Plus de 10,000 serveurs MCP publics existent aujourd'hui. Les SDK totalisent 97 millions de téléchargements mensuels. ChatGPT a intégré MCP. Gemini aussi. Cursor, VS Code, Microsoft Copilot ont suivi.
Plus révélateur encore : Anthropic et OpenAI ont créé ensemble l'Agentic AI Foundation sous l'égide de la Linux Foundation. Avec le soutien de Google, Microsoft, Amazon, Bloomberg et Cloudflare. Voir des concurrents directs s'aligner sur un standard commun n'est pas anodin. Ça arrive quand l'intérêt collectif dépasse largement l'avantage tactique de garder un système propriétaire.
Pour un développeur, l'intérêt est direct : construire une fois, déployer partout. Plus besoin de maintenir des intégrations spécifiques pour chaque plateforme IA. Pour une entreprise, c'est l'évitement du vendor lock-in. Changer d'IA demain ne casse pas votre infrastructure d'intégrations.
La question de la maturité reste légitime. MCP existe depuis un an. Les aspects sécurité, gestion des droits d'accès, monitoring en production sont encore en construction. Les primitives pour les agents long-running arrivent. Le Registry API pour découvrir dynamiquement des serveurs aussi.
Les standardisations ne font jamais les gros titres, mais elles restructurent les marchés en profondeur. USB a éliminé trente formats de câbles propriétaires. HTTP a rendu le web possible. Les containers ont transformé le commerce mondial.
MCP vise cette trajectoire. Est-ce que le protocole y parviendra ? Trop tôt pour l'affirmer. Mais l'alignement de tous les acteurs majeurs, la vitesse d'adoption et la gouvernance ouverte via la Linux Foundation sont des indicateurs sérieux.
Si vous développez quelque chose avec de l'IA aujourd'hui, MCP mérite votre attention. Pas comme une révolution à célébrer, mais comme une infrastructure à évaluer froidement. Le genre de choix technique qui, dans trois ans, vous fera gagner des semaines de développement ou regretter de ne pas avoir regardé plus tôt.